Virilio, le temps et Twitter

twitter-cern

Souhaitant mieux comprendre la twittosphère et ne pas parler sans expérience, j'y suis entrée.
D'abord une série de confirmations : presque tous les éléments que j'ai glanés et pris en compte dans le .pdf consacré à Twitter, puis ce que j'ai vu par moi-même, ne démentent en rien les idées de P.Virilio, ils viennent les "confirmer". Mais les confirmer dans le sens précisé par P.Virilio lui-même, lorsqu'il est interviewé sur ce qu'il avait dit il y a longtemps de la crise financière:

"C'est une confirmation mais ça ne me donne pas raison pour autant...car je ne peux pas croire posséder l'ampleur de la réalité quotidienne...On ne peut pas avoir l'ampleur de ce qui arrive au monde,ça s'appelle la mégalomanie...Je n'ai pas raison parce que je suis confirmé , ça me propulse un peu plus loin, pas plus."

Confirmation de l'existence de "cette salle d'attente de l'inattendu où ce qui arrive l'emporte toujours sur ce qui est ici et maintenant"p.61 et même sentiment qu'il y a foule dans cette salle d'attente

Confirmation de la nature particulière de cette "structure-non-structure" du temps qu'on appelait autrefois le présent :ce monde est rempli par des masses de liens qui se renvoient les uns aux autres en flux incessants sur le mode[je donne des indications sur moi,ce que je fais, ce que je pense/elles repartent par d'autres vers d'autres dans des proportions extraordinaires] ou encore [ "ils me suivent"/"je les suis"].C 'est un monde où s'organise à une échelle jamais atteinte encore une traçabilité instantanée des personnes , et ceci pour plusieurs raisons. D'abord parce que toutes sortes d'éléments qui appartenaient à la vie privée se mettent à apparaitre et parce que ce qui les fait apparaitre ( car bien sûr ce n'est pas l'outil qui est responsable du fait que quelqu'un écrit "10h30, je vais à ma séance d'analyse") c'est comme un besoin d'exhibition, un besoin d'être vu et de donner rendez-vous à qui veut être au même endroit "je sortirai du TGV 11h15 montparnasse", "serai au café philo ..","j'ai discuté avec V.Peillon dans le tgv..".C'est donc l' ouverture permanente des agendas , en même temps que des murs d'affichages des liens que l'on a avec les autres internautes, agendas et murs que n'importe qui peut voir.
Donc des groupes (voire des foules) se constituent, leur état de base est l'attente et l'essentiel de ce qu'il y a à attendre est surtout de rester synchrones , de ne pas se manquer à chaque instant "t", d'être assuré des clins d'oeil permanents d'une nouvelle sorte de connivence. Bien qu'il ne s'agisse que de courtes séquences de 140 caractères, entrer dans twitter, c'est entrer dans un monde gouverné (comme le dit P.Virilio) par la megaloscopie et selon moi une assez nouvelle forme de mégaloscopie qui renoue à sa manière avec de l'infantile.Cet aspect des nouveaux supports (l'étalement de l'infantile, depuis notre premier "maman, regarde-moi"..! quand nous avions besoin de nous réassurer sur ce que nous étions en train de faire) s'impose à moi de plus en plus, j'y reviendrai, car ce n'est pas simple.En effet, à coté de ces usages de twitter au service de plusieurs formes de régression, d'autres sont très évolués comme par exemple l'idée du CERN de twitter du commencement à la fin son expérience de collision de hadrons, une première pour l'humanité, et il est sûr que l'information en temps réel a permis de partager le suspense, lequel était plutôt mal relayé par la presse en ligne, toujours en retard d'un temps ou de plusieurs.Dans le même sens , j'ai pu voir des blogueurs célèbres (ou moins..) se servir très intelligemment de twitter pour faire circuler des informations pertinentes, parfois très intéressantes..Nous voici donc avec un outil à potentialités très complexes.Je vais essayer de voir quels usages en font "les psychanalystes", qui sont en principe -comme les psychanalysants sont en droit d'en être assurés -aussi réservés que possible sur leur vie privée.
(à suivre)
Genevieve Lombard Bordeaux 2 avril 2010