Ces jours-ci, nous avons la preuve tragique de l'exactitude des informations d'OWNI (qui est toujours en ligne) et nous pouvons vérifier a posteriori le bien fondé de leur alerte lancée en septembre 2011: ils avaient analysé (bien avant que Snowden en 2013 n'informe le monde entier de l'état de surveillance généralisée dans lequel nous vivons tous) le mode d'emploi du système EAGLE GLINT vendu à la Lybie par la société française amesys: “le système récupèrera toutes les données, et fichiers attachés, associés aux protocoles suivants : Mail (SMTP, POP3, IMAP), Webmails (Yahoo! Mail Classic & Yahoo! Mail v2, Hotmail v1 & v2, Gmail), VoIP (SIP / RTP audio conversation, MGCP audio conversation, H.323 audio conversation), Chat (MSN Chat, Yahoo! Chat, AOL Chat, Paltalk -qui permet aux utilisateurs de Windows de chatter en mode texte, voix ou vidéo, NDLR), Http, Moteurs de recherche (Google, MSN Search, Yahoo), Transferts (FTP, Telnet)." J'avais à ce moment publié une mise en garde quant à l'usage de Skype (oct 2011). Grâce à l'enquête de Benoit Collombat et Eric Chaverou pour France Culture (mars 2016), l'accès au dossier d’instruction du pôle "Crimes contre l’humanité" du Parquet de Paris, qui enquête depuis janvier 2013 sur une “complicité d’actes de torture” visant la société Amesys, nous montre à quoi a servi ce logiciel et comment il a fonctionné. Un témoin dit (entre autres) que ses tortionnaires lui ont fait écouter une de ses anciennes conversation sur Skype (voir l'image ci-contre). |
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Nous savons que ce qui était déjà "fonctionnel" en 2010-2011(tout écouter de tout un peuple) est maintenant beaucoup plus puissant, puisque PRISM (et ses successeurs) fonctionne sans cibles directes. Je le répète: une personne qui souhaite faire une psychanalyse ou tout travail qui implique l'inconscient a droit au secret absolu. Elle a aussi le droit de n'en informer personne. C'est bien évidemment au psychanalyste d'assurer les conditions (matérielles et générales) de la possibilité de ce mode de travail entre deux vies psychiques. L'impossibilité dans laquelle nous sommes d'assurer cette responsabilité sur l'Internet est toujours complètement ou partiellement méconnue. Complètement: j'avais trouvé l'affirmation de l'offre du CAPA(China American Psychoanalytic Alliance) particulièrement contestable et très préoccupante: |
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Partiellement: c'est par exemple la position réaffirmée récemment par Serge Tisseron (3). Paraissant croire que les nouvelles surveillances se font seulement par cible (comme c'est encore en partie le cas dans l'exemple par lequel je commence ce billet), il passe sous silence le fait que nous en ignorons tous les algorithmes et leurs éventuels changements, que -si nous sommes encore dans un régime démocratique - nul ne peut assurer qu'il le restera (ici ou dans un autre pays d'Europe même) et que les écheveaux d'information captés sont eux "durables", il procède par exception. Exclu du travail thérapeutique à distance "le patient qui est dans une contestation dangereuse des pouvoirs établis", ou dans une "marginalité". Problématiques: la Russie et la Chine. Seule précaution conseillée:"que le thérapeute évoque ce danger avant d'engager toute thérapie et le rappelle à chaque fois que cela lui parait nécessaire ". Difficile de penser que l'on puisse tenir une telle position en 2016. Que dire de l'idée que le patient aurait de lui-même dans l'ensemble de sa vie sociale? Comment le thérapeute pourrait-il savoir vraiment ce que son patient risque? Qui peut garantir à son patient que dans 10 ans ce qu'il est en train de dire ne sera pas utilisé contre lui dans un régime policier ou même fasciste? Contre lui ou contre d'autres de l'entourage-cyber, en lien avec lui? Et je ne parle même pas du genre de déchiffrage que des polices sont capables d'imaginer à partir de mots ou concepts qui se mettent à circuler quand l'offre de tout dire est proposée, explicitement ou implicitement. |
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Les formes d'aveuglement des psychanalystes au sujet de la Surveillance généralisée de l'Internet et de ses conséquences proches et lointaines sont multiples. Evidemment je comprends la difficulté qu'il y a à renoncer pour notre pratique à un outil tellement intéressant: j'ai été moi même enthousiaste du Bel Internet, celui d'avant 2000 ( nous y avions déjà repéré des germes de "surveillance", mais nous pensions alors pouvoir nous débrouiller pour les contourner).Il faut maintenant regarder la réalité en face: si chacun d'entre nous peut prendre ses propres risques dans son utilisation de l'Internet et des objets connectés, l'offre faite par des psychanalystes d'un travail de psychothérapie ou d'analyse, ou de formation à la psychanalyse, engage quelqu'un d'autre , et vis à vis de cette personne, nous ne sommes pas en capacité d'assumer la responsabilité qui se met à exister de facto. | |
1.Fishkin, R.E. and Fishkin, L.P. (2014) Introducing psychoanalytic psychotherapy into China: the CAPA experience. In Scharff, D.E. and Varvin, S, editors, Psychoanalysis in China. London: Karnac.
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Genevieve Lombard Bordeaux 20 avril 2016 |