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Avec l'existence et le développement du cyberspace,
des aspects essentiels du processus de civilisation sont entrés en métamorphose ou en
mutation, il pourrait donc sembler que la mise en réflexion de ces transformations par
les psychanalystes soit une tâche à la fois évidente et urgente.. Freud n'a-t-il pas
lié son travail concernant le processus de la civilisation à sa découverte de
l'Inconscient, et cela avec de plus en plus d'insistance au fur et à mesure que son
uvre s'approfondissait?..En le suivant dans cette voie, ne serait-il pas utile de
nous demander si nous assistons à de nouveaux efforts d' Eros, créant sur la
toile la «communication Tous-Tous», ou si Thanatos prend
insidieusement le pouvoir par exemple en détruisant des systèmes de repères
qui ne sont remplacés par rien? Assistons-nous à l' émergence de plus d'humanité et de
création ou à l'apparition de nouvelles formes de folie et de dévastation? Et- si les
deux sont liées- comment penser leur imbrication?
Or cette mise en réflexion rencontre chez eux, plus peut-être encore que chez tous ceux
qui résistent à l'évidence de la réalité en développement du cyberspace, des
obstacles qui peuvent se déguiser en vertus psychanalytiques.. Si les avatars du virtuel
la dérangent ou la prennent au dépourvu, c'est peut-être que la psychanalyse a cultivé
et cultive encore son propre fonds quant au virtuel. Si on songe à toutes les
virtualisations que permet l' exercice de la parole dans la circulation
«association libre-silence-interprétation» (pour ne prendre qu' un aspect des choses)
on voit tout aussitôt que le virtuel y a sa limite (co-présence réelle des deux
partenaires de la cure, cadre, argent
etc.).Ce mode de liaison si
particulier du virtuel à ce qui ne l' est pas est probablement une des forces de la
pensée et de la pratique psychanalytiques.. Comment penser le virtuel dans la
communication-cyber dès lors que son illimitation, sa dé-territorialisation, sa
dé-corporéification, ne sont plus contenus dans aucun «cadre» vraiment repérable par
des paramètres précis?
On
pourrait imaginer de la même façon que ce qui arrive au temps serait plus facile à
approcher avec les outils de la pensée psychanalytique qu' avec tout autre forme de
pensée.. Depuis son origine, la psychanalyse est confrontée à l' hétérogène, au
travail d' articulation de ce qui est zeitlos et de ce qui se passe dans le temps..L'
expérience de la presqu' immédiateté dans tout le cyberspace(avec toutes ses
conséquences) ne pourrait-elle pas commencer à être un peu élaborée à partir de ce
que nous avons appris sur les limites et sur les passages.. ? Peut-on craindre de
cette instantanéité qu' elle mette à mal à tout jamais les magies lentes, les
élaborations patientes..? Comment les sujets que nous sommes se
débrouillent-ils avec ces accélérations du temps et le fonctionnement du temps
psychique..? Les psychanalystes internautes pourraient-ils dire quelque chose de
ces nouvelles expériences..?
Geneviève Lombard
, Bordeaux ,Janvier 1998.
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