Sur la base de réflexions théoriques appuyées sur la biologie,nous supposâmes l'existence d'une pulsion de mort,qui a pour tâche de ramener le vivant organique à l 'état inanimé, tandis que l 'Eros poursuit le but de compliquer la vie en rassemblant de façon toujours plus extensive la sustance vivante éclatée en particules...
Freud.Le Moi et le Ça.1923.G.W.XIII.P.269
 

 

 





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Avec l'existence et le développement du cyberspace, des aspects essentiels du processus de civilisation sont entrés en métamorphose ou en mutation, il pourrait donc sembler que la mise en réflexion de ces transformations par les psychanalystes soit une tâche à la fois évidente et urgente.. Freud n'a-t-il pas lié son travail concernant le processus de la civilisation à sa découverte de l'Inconscient, et cela avec de plus en plus d'insistance au fur et à mesure que son œuvre s'approfondissait?..En le suivant dans cette voie, ne serait-il pas utile de nous demander si nous assistons à de nouveaux efforts d' Eros, créant sur la toile la «communication Tous-Tous», ou si Thanatos prend insidieusement le pouvoir par exemple en détruisant des systèmes de repères qui ne sont remplacés par rien? Assistons-nous à l' émergence de plus d'humanité et de création ou à l'apparition de nouvelles formes de folie et de dévastation? Et- si les deux sont liées- comment penser leur imbrication?
Or cette mise en réflexion rencontre chez eux, plus peut-être encore que chez tous ceux qui résistent à l'évidence de la réalité en développement du cyberspace, des obstacles qui peuvent se déguiser en vertus psychanalytiques.. Si les avatars du virtuel la dérangent ou la prennent au dépourvu, c'est peut-être que la psychanalyse a cultivé et cultive encore son propre fonds quant au virtuel. Si on songe à toutes les virtualisations que permet l' exercice de la parole dans la circulation  «association libre-silence-interprétation» (pour ne prendre qu' un aspect des choses) on voit tout aussitôt que le virtuel y a  sa limite (co-présence réelle des deux partenaires de la cure, cadre, argent…etc.).Ce mode de liaison si particulier du virtuel à ce qui ne l' est pas est probablement une des forces de la pensée et de la pratique psychanalytiques.. Comment penser le virtuel dans la communication-cyber dès lors que son illimitation, sa dé-territorialisation, sa dé-corporéification, ne sont plus contenus dans aucun «cadre» vraiment repérable par des paramètres précis?

On pourrait imaginer de la même façon que ce qui arrive au temps serait plus facile à approcher avec les outils de la pensée psychanalytique qu' avec tout autre forme de pensée.. Depuis son origine, la psychanalyse est confrontée à l' hétérogène, au travail d' articulation de ce qui est zeitlos et de ce qui se passe dans le temps..L' expérience de la presqu' immédiateté dans tout le cyberspace(avec toutes ses conséquences) ne pourrait-elle pas commencer à être un peu élaborée à partir de ce que nous avons appris sur les limites et sur les passages.. ? Peut-on craindre de cette instantanéité qu' elle mette à mal à tout jamais les magies lentes, les élaborations patientes..? Comment les sujets que nous sommes se débrouillent-ils avec ces accélérations du temps et le fonctionnement du temps psychique..? Les psychanalystes internautes pourraient-ils dire quelque chose de ces nouvelles expériences..?

Geneviève Lombard , Bordeaux ,Janvier 1998.